La bibliothèque retrouvée
Suisse d'origine, Vanessa de Senarclens est enseignante de littérature française à l'université Humboldt de Berlin. La bibliothèque retrouvée est son premier roman, c’est même son premier pas de côté loin des travaux de recherche académique. Et ce récit est une réussite aussi inattendue qu'originale, enquête passionnante, où la recherche... du patrimoine dispersé d'une famille croise les méandres de la grande Histoire. Avec une rigueur de chercheuse, une écriture riche et fluide, et et un sens aigüe de la narration, elle embarque ses lecteurs dans une formidable machine à remonter le temps.
Les éditions Zoé n'en finissent plus de s'imposer, chacune de leur parution étant un petit uppercut littéraire. La bibliothèque retrouvée est un de ces ovnis qui ne sont d'aucun genre, ni journal, ni roman historique, ni traité, ni rapport bibliophile, mais un peu tout cela, et avant tout une histoire narrant idéalement le façonnement de la culture européenne et son délitement sur presque cinq siècle, ainsi qu'une histoire familiale, intime, aléatoire et capricieuse.
De quoi s'agit-il ? L'autrice est dépositaire, par son beau-père, du catalogue de la bibliothèque d'un château situé en ex-Allemagne de l'Est. Au total, 16000 ouvrages datant pour certains du 15è siècle, petit condensé de la culture occidentale classique. Le château, occupé par les nazis puis investi par les russes en 1945, est abandonné par ses occupants qui n'y reviendront plus, n'emportant que le catalogue et quelques ouvrages. La collection est démantelée. Comment mener l'enquête et retrouver la trace de ces textes ? Cette quête se résume à démêler les fils de la grande Histoire, les fractures de l'Est de l'Europe autant que ceux d'une famille meurtrie.
Vanessa de Senarclens est une chercheuse, et à ce titre, son livre, comme une thèse, est découpé en chapitres thématiques, contenant illustrations, notes et annexes indispensables pour nous aider à comprendre qu'ici, tout est vrai, tout est juste, argumenté. Mais son talent de conteuse fait bien vite disparaitre l'académisme qu'on s'attendait à trouver. L'enquête est passionnante, imprévue, génère de nombreuses réflexions, sans pompe et sans emphase, sur le patrimoine, l'appartenance, la mémoire, le temps, plus généralement sur l'humanité et ses valeurs, le fétichisme pour les objets, le beau, la connaissance.
Des bouteilles à la mer sont jetées dans tous les cercles, dans tous les milieux, des pistes inattendues se font jour par hasard, grâce à de nouveaux moyens de communication, des histoires de familles, de rencontres, de dons, de générosité, de méfiance tissent une histoire quasi-fabuleuse pour reconstituer la vie et les vicissitudes de ce patrimoine dont le démantèlement a eu un effet improbable : lui faire gagner de l'épaisseur : cette bibliothèque familiale appartient désormais à tous, au-delà des frontières, au-delà des peuples et des vagues de l'Histoire, sans mélancolie.


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Vanessa de SERNACLENS
La bibliothèque retrouvée, une enquête
Éditions Zoé